Le souffle des Mazzeri

Publié le par Wild M.

Il y a en Corse un monde invisible qui double le nôtre et dont tout un peuple sent la présence.

La tradition magique des "Mazzeri", intercesseurs du divin dans une société qui a conservé ses pratiques ancestrales, est une plongée dans le monde fantastique de l'au-delà...

En Corse, la splendeur des paysages, leur solitude, leurs couleurs, les liens du ciel et de la montagne, la force de l'histoire et des traditions, l'isolement des villages ont contribué à la persistance pendant des siècles, voire des millénaires, de la tradition magique entre l'homme, la nature, le cosmos et l'au-delà.

Par pudeur, par volonté de laisser leur place aux mystères, par sens religieux, les gens d'ici ont attendu longtemps avant de parler de ce qu'on appelle le "Mazzerisme", c'est à dire ce don de prophétie funèbre qu'ont certains hommes et certaines femmes des régions profondes de l'Île. Les croyances mystérieuses et la connaissance de ces comportements magiques sont ancrés dans les racines les plus lointaines de la Corse des origines.

Le nom de mazzera vient du verbe ammazza : tuer. Mais la mazzera ne tue pas : elle aimerait plutôt sauver, elle est une intermédiaire entre les morts et les vivants.

La mazzera n'est pas une sorcière, elle est plus proche des sybilles de l'Antiquité qui prédisaient l'avenir. Le mazzeru ou la mazzera n'ont aucun sentiment d'agressivité, ils n'ont aucun compte à régler, ils ne rentrent pas dans l'univers de la vendetta, ils n'ent veulent à personne, même si bien sûr le village les craint et souvent les exclut.

Certaines nuits, la mazzera part dans la montagne, rien ne peut la retenir...

Elle tue le premier animal qu'elle rencontre et c'est quand elle se penche sur le cadavre qu'elle découvre à la place de la tête le visage de l'homme ou de la femme qui va mourir dans l'année.

Elle ne le dit jamais à la personne concernée mais à son entourage, afin que chacun veille à rendre le plus heureux possible les derniers jours du "condamné".

On dit que le plus souvent ces "chasseurs d'âmes" ne partent pas réellement dans le maquis. Tout se passe en rêve. Mais leur rêve macabre a une telle force qu'il est vécu comme une réalité.

Parfois aussi on imagine que le mazzeru possède un véritable don d'ubiquité. Il semble reposer dans son lit, mais au même moment son double parcourt la montagne.

En tout cas, que cette chasse soit rêvée ou réelle, personne n'a jamais pu suivre les mazzeri dans leurs courses nocturnes.

Si le "mazzerisme" demeure un mystère, il ne faut pas le rejeter comme une croyance archaïque, mais au contraire, tenter de le comprendre à la lumière des découvertes modernes sur le conscient et l'inconscient, le dédoublement de la personnalité, la transmission de la pensée, le rêve.

Et, sans aucun doute, le mazzerisme est une expression de ces sentiments universels et plus profondement méditerranéens:

le sens du tragique et la force du destin.

On pouvait les croiser, mais les croise-t-on toujours,  près d'un cours d'eau au crépuscule ou au pied d'une cascade, leur arme était le cep de vigne, leur fleur l'asphodèle

Publié dans Corsica Nera

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L
Ce blog est très intéressant.<br /> Bravo.<br />
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M
Ca prend tournure... Et c'est beau :)
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