Acteurs, actrices, le regard et le verbe

Publié le par M.

 
Acteurs, actrices : le regard et le verbe...
Gros plans chez Ingmar Bergman, nul autre que lui n'a autant scruté le visage des comédiens. De Personna, à Sonate d'automne, en passant par Face à Face ou Cris et chuchotements, combien de visages, de regards a t-il livré au public ? Combien d'âmes voyageuses, de Liv Ulman à Bibi Anderson, de Erland Josephson à Max Von Sydow, tout en regards, en nuances, en frémissements Bergman a mis ses acteurs à nus.
Tourments ou rires ils sont là, les acteurs, les actrices, complices de l'émotion d'un instant.
Magnani la louve romaine, désemparée, rompue, perdue dans « Amore » de Rosselini d'après « la voix Humaine » de Cocteau.
Pèle-mèle ils défilent dans mes souvenirs, au fil des films, mais aussi de certaines séquences ou parfois d'un gros plan de deux secondes, des plans inoubliables où dans l'ombre le spectateur scrute le visage et l'oeil qui sur l'écran envoie un signal, un signe d'une âme à l'autre, d'un miroir à l'objet.
Il est des instants magiques de cinéma et magiques d'humanité d'alchimie entre l'acteur et le spectateur avec pour seul pont à franchir un faisceau de lumière, de cette lumière qui fend l'ombre et écrit dans l'obscur le tracé des sentiments.
Mes « instants magiques » de communication je les dois à Patrick Dewaere, le regard perdu sur un quai de gare dans « Hôtel des Amériques » de Téchiné, brûlé d'un amour non reçu dans « Un mauvais fils » de Sautet, ivre d'amour dans « F comme Fairbanks » de Dugowson. Mais la lumière de Dewaere parvient encore dans ma mémoire comme longtemps après leur chute celle des etoiles mortes scintille sur la Terre.
Marlon Brando, que dire de Brando qui n'ait été dit ou écrit, l'oeil plissé, grommelant parfois, et puis encore et toujours cet oeil qui « baise » la caméra. Pénombre apocalyptique de Brando « Horror has a face and we must become the friends of horror » personne d'autre que lui n'aurait pu, murmurant presque, rendre presque palpable la vision d'horreur qu'il décrit dans « Apocalypse now » ou bien avant cela hurlant « Stella, Stella » avec un déchirement de bête blessée dans « un tramway nommé désir »
Johnny Depp oui Depp, jeu minimaliste, en demi-teinte, en nuances subtiles dans « Dead Man » de Jarmush....
Jon Voight paraplégique dans « Coming Home » de Hal Hashby. Mais comment font-ils ?
Edward Norton ! Étrange bonhomme d'une rare intensité, aux silences lourds comme un cri non proféré, une plainte sourde. Le regard de Norton c'est le soleil qui luit sur une lame accérée.
Bacri, Jean-Pierre de son état et dans tous ces états « Kennedy et moi » tu m'as tué Jean-Pierre...
Vincent Cassel «  Sur mes lèvres ». L'acteur te met une gifle, t'arrache à ton fauteuil et tu te dis « mais...c'est de la sorcellerie » et là tu as envie d'applaudir à tout rompre même si tu sais qu'il ne peut t'entendre.
Et puis il y a les actrices « sorcières » :  Sophia Loren dans la « Ciocciara » de De Sica, dans « une journée particulière » de Scola et tant d'autres films. LA Magnani alors Anna Magnani c'est le Vésuve, l'Etna, la louve, une actrice aux mille sortilèges, cette femme déchire l'écran s'avance vers toi et t'arrache le coeur sur place et te laisse pétrifié, stupéfait, ahuri, l'oeil humide.
Monica Bellucci dans « Malena » inoubliable, tu as envie de quitter ton fauteuil ou comme l'héroîne de « la Rose Pourpre du Caire » d'attendre qu'elle déchire l'écran et vienne te rejoindre sur le siège resté vide à tes côtés. Monica toute en silences, en brisures secrètes, frémissante dans ce beau film de Tornatore. Giovanna Mezzogiorno, dans « la finestra di fronte » d'Oztepek. Maya Sanza dans « Buongiorno notte » de Bellochio ou dans «  La meglio gioventu «  de Marco Tullio Giordana.
Acteurs, actrices, je vous aime.(presque tous MAIS pas tous).
(à suivre)

Publié dans Actrices et acteurs.

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G
Je te l'ai deja dit mais c'est dingue comment tes mots arrivent à me toucher. Je partage le même sentiments que toi vis à vis de certains acteurs et ça fait plaisir de voir quelqu'un exprimer cette passion commune avec tant de poésie.<br /> Merci pour ça.
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